Ma démarche artistique
Apprendre, maîtriser des techniques (picturales), se rassurer à leur contact, et finalement s’en départir, de façon inconsciente d’abord puis totalement assumée, au profit d’une esthétique de l’erreur ; voilà ce qu’a été mon cheminement de plasticien. Depuis plusieurs années à présent, ma recherche s’articule autour de l’exploitation formelle du ratage, de la boulette, de la bourde, de la maladresse. L’image abîmée me semblera toujours plus riche qu’une image propre. Je cherche la faille qui ne peut être provoquée mais survenir par l’emprunt de chemins inconnus, par la prise de risques. Je fais confiance à l’expérimentation et me pose en observateur des effets causés par mes actes dans une recherche de composition équilibrée. En ce sens il s’agit moins de s’en remettre au hasard, que de nourrir mon art des circonstances qui naissent durant la création. Aussi, j’accorde plus d’importance aux accidents rencontrés et intégrés consciemment qu’à l’atteinte d’un objectif formel.
» Mon art est un constant rattrapage de mes erreurs. Parfois à la frontière de l’abstraction, mon travail est toujours, d’une manière ou d’une autre, en prise directe avec le réel, que ce soit dans sa représentation, que dans sa saisie tangible pour former des productions composites et hybridées : peintures intégrant du câble, des objets, du fil, des fragments de revue… La production d’images numériques répond elle aussi à cette notion de couches et d’empilement de données issues du réel. Je superpose des calques de photos d’objets, de paysages, de textures. Le logiciel de traitement de l’image offre une infinité de combinaisons, de fusions et de densité de transparence des strates. Il n’y a que la manipulation qui permet d’envisager des issues. Je ne peux pas penser l’image finale, elle se construit devant mes yeux, seule l’harmonie dictera l’arrêt de la recherche. Le choix du médium ne se fait pas selon ce que je souhaite exprimer mais est lié aux circonstances de création et précisément aux contraintes du moment : matériaux, matériel, temps disponibles. En ce sens il n’y a aucun prétexte pour ne pas créer. Peu importe les outils et la technique, mes travaux sont toujours le résultat d’un moment ou les maîtres mots sont contrainte, expérimentation, accident et finalement équilibre. Tout est susceptible de devenir un acte créatif, à condition de vouloir porter son regard sur les choses et d’en extraire une composition. Mon ambition est de développer une production pluridisciplinaire par essence ou tout est potentiellement matière première et ancrée dans une esthétique de la valorisation de l’erreur. »
“ L’ordinateur a toujours été présent dans mon travail. En réponse à cette nécessité d’expérimenter, je m’intéresse et assimile les technologies avancées tout comme certains procédés anciens dans une logique d’enrichissement et de surprise. C’est ainsi que je me suis formée, à partir de 2016, à la vidéo projetée et interactive ainsi qu’au montage (le montage étant pour moi un langage, support à la transmission d’une histoire).
« LeGlitchProject » est l’amorce de l’intégration de l’image animée à mon travail. Le « glitch » désigne une défaillance électronique, une erreur numérique, un bug dans le système. Il s’agit donc d’une image corrompue. « LeGlitchProject » prend aujourd’hui la forme d’une production de 200 images fixes mais issues de séquences vidéo au sein de laquelle je viens puiser la «bonne erreur». Le projet vise à être déployé sous la forme d’un espace immersif mêlant images fixes, en mouvement, son, interactivité et projection sur supports en volume. J’ai établi une liste d’expressions pour qualifier ce projet : chemins de l’art, ramifications multiples, place à l’imprévu, provocation de l’accident, acceptation de l’échec, intégration du plantage, révélation de singularité, esthétique de l’erreur et œuvre globale en référence à l’œuvre d’art totale ».
Le propos est d’intégrer une dose de plantage comme une forme de poésie au sein d’un monde qui uniformise par l’emploi homogène de codes, langages, outils. S’il semble difficile d’échapper au développement et à l’utilisation de technologies, nous pouvons pénétrer le système, la matrice pour en révéler sa beauté. Le défaut devient alors une singularité et nous retrouvons notre individualité. Les impressionnistes ont défié la touche au profit des sensations, je cherche à défier le système binaire au profit d’une émotion.